464
HISTOIRE DE LA TAPISSERIE
Un incendie allumé pendant le combat consuma les pièces en cours d'exécution, les tapisseries en magasin et tous les modèles.'Quand le personnel revint à l'atelier, après la catastrophe, deux pièces com­mencées seulement avaient échappé au feu : la Terre et l'Eau, de la tenture des Éléments, par Le Brun. C'est par la comparaison de ces panneaux modernes avec les originaux qu'on voit bien toute la distance qui sépare les productions récentes des anciennes, et toute la supériorité de ces dernières. Maintenant les tons sont gris, ternes, sans accent, sans parti pris. Et pourtant les tapissiers d'au­trefois ne disposaient que d'un petit nombre de nuances, soixante à soixante-dix au plus, tandis que maintenant la gamme chro­matique des couleurs est presque illimitée. Est-ce donc là le ré­sultat pratique de ces découvertes si vantées de la science mo­derne!
Cependant il faut trouver de l'ouvrage aux ouvriers réunis sur les ruines de la vieille manufacture. Les modèles sont détruits. On se décide à choisir de vieilles copies de Saint Jérôme, du Cor-rège, et de la Charité, d'André del Sarté, en attendant de nou­velles compositions. Les huit panneaux peints par M. Mazerolle pour garnir les trumeaux de la rotonde de l'Opéra ont au moins le mérite d'avoir été exécutés pour servir de modèles aux tapissiers. Puis on entreprend successivement le Vainqueur, de M. Ehrmann ; la Pénélope, de M. D. Maillart, et la Séléné, de M. Machart, aujourd'hui au Louvre; quatre panneaux de M. Lechevallier Chevignard, destinés au musée céramique de Sèvres, et symboli­sant les diverses phases de la fabrication ; — c'est à cette suite qu'appartient la figure reproduite à la page 465; — enfin le Pla­fond d'Homère, de Ingres. II faut avouer que peu de tableaux se prêtaient aussi mal au travail de la haute lice que le célèbre tableau du Louvre.
Depuis quelques années, gràce aux efforts persévérants du dernier administrateur, grâce aussi aux indications fournies par une com­mission nommée spécialement pour étudier les réformes néces­saires, la manufacture semble disposée à entrer dans une voie de réformes et de progrès. Les modèles actuellement sur le métier ont du moins, sur les précédents, l'avantage d'avoir été conçus en vue d'une destination arrêtée d'avance.
A cette catégorie de peintures spécialement commandées pour la reproduction en tapisserie appartiennent la Filleule des fées, de